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L'histoire de la réfection de l’église de Saint Aubin

16 Septembre 2017 , Rédigé par David Hecq Publié dans #Action Municipale, #Bilan

Le 16 septembre s'est tenue la cérémonie relative à la réfection de l'église de Saint Aubin.

N'ayons pas peur des mots, Anzin-Saint-Aubin c'est sans doute la commune où est née l’expression querelles de clochers !

Pendant des siècles les Abbayes du Mont Saint Vaast et de Mont Saint Eloi se sont disputés les terres de Saint Aubin et Anzin.

La raison est simple, il y a sur notre commune des Viviers et cette ressource est très lucrative. Il y a eu plusieurs églises et chapelles sur la commune, pour la plupart détruites pendant les guerres mais celle de Saint Aubin perdure miraculeusement même si elle a été fortement abimée au 17ème siècle par la guerre entre les Français et les Espagnols sous le règne de Louis 14.

Elle est néanmoins rénovée et consolidée en 1766 comme en témoigne la date inscrite sur la clé de voute.

Quelques dates et événements clés :

Révolution Française, le 2 Novembre 1789 : Sur proposition de Talleyrand, l’Assemblée Nationale Constituante décrète la mise à disposition de la nation des biens ecclésiastiques et c’est l’état qui a l’entretien des fondations pieuses. Noël Douchet est le premier maire d’Anzin-Saint-Aubin, il est nommé le 21 février 1790.

12 juillet 1790 : Constitution civile du clergé. Les curés et évêques sont désormais élus et obtiennent même le statut de fonctionnaire

27 mai 1791 : le Directoire du Département décrète que les communes de Maroeuil, Etrun et Saint-Aubin-Anzin sont une paroisse et que l’église principale est celle de Maroeuil. Un curé y est nommé. Les autres églises obtiennent le statut de succursale et sont administrées par des vicaires. L’abbé Miellet est le curé de la commune et il vit très mal la situation. Il restera néanmoins auprès des fidèles jusqu’en 1792. Année où il prendra le chemin de l’exil, refusant de se plier à la loi du 14 août 1792 obligeant les prêtres à faire un nouveau serment, non plus à l’église mais à l’état, à la liberté et à l’égalité. L’abbé Miellet fut donc remplacé par un curé constitutionnel et surtout plus en phase avec les idées de la Révolution : l’abbé Bocquet… Mais il ne fut pas curé de Saint Aubin-Anzin très longtemps ! Deux mois seulement ! Il renia même ses serments deux ans plus tard en 1794, il se maria et devint maire de Maroeuil ! On sait qu’il mourut noyé en 1810.

Mais revenons en 1792, nous sommes en pleine folie antireligieuse : on tue des curés, on pille, on saccage les églises et cette église n’échappe pas à la règle. On y vole même le Calice ! Le culte se pratique de façon cachée, les fidèles se réunissent dans des granges et délaissent le lieu de culte officiel. Trop risqué d’y être vus et d’être mentionnés sur la liste communale des « suspects ». Les archives mentionnent qu’un certain Abbé d’Agnez célèbre le culte caché sur notre commune. Il s’agirait en fait de l’abbé Delahaye curé à Agnez les Duisans. Par précaution, aucun acte n’est écrit.

En 1793 la famine touche la commune et le maire Douchet demande et obtient du préfet l’autorisation de vendre les cloches pour acheter du pain aux pauvres.

En 1796, pour financer la commune, il est décidé de vendre l’église et le presbytère à Alphonse Bocquet, libraire à Arras pour 601 Francs et seize sous. Mais l’église est en piteux état. Le clocher tient bon tout comme les murs mais il n’y a plus de toiture ! On célèbre donc les messes dans le presbytère.

Et devinez qui rachète l’église six ans plus tard, en 1802 ? Hé bien c’est monsieur le Maire : Noel Douchet ! Ca ne sera pas du goût de tout le monde ! Y compris au sein de son conseil municipal, quelques dents grincent. Cerise sur le gâteau : monsieur le maire réunit le 30 pluviôse de l’an 11 (soit le 19 février 1803) quatre membres de son conseil qui en compte 12. Et nos cinq compères prennent une délibération qui stipule que c’est au frais des habitants qu’incombent les charges du logement du ministre du culte et que les revenus procurés par un bien communal de 5 mesures seront consacrés à l’entretien de l’église !

C’en est trop ! C’est la goutte de vin qui fait déborder le calice ! Un jeune adjoint monte au créneau : Pierre-Joseph Quinion ! Il faut dire que la section d’Anzin représente en terme de population 4/5ème de la commune ! Comment accepter que le maire et ses acolytes, issus de la section de Saint Aubin décident seuls ? Pour signifier son mécontentement il met en place une pétition qui recueille le soutien de 6 autres membres du conseil municipal (issus de la section d’Anzin et du Moulin Dieu) et 43 citoyens ! Les cinquante signatures sont envoyés au Préfet.

Et cette pétition n’est pas tendre : elle réclame la tenue d’un conseil municipal pour les motifs suivants :

- le maire a pris une délibération sans avoir la majorité

- La section de St Aubin représente 1/5ème de la population et ne peut pas décider seule du lieu de culte, mal adapté à la commune car complètement excentré.

- et enfin le maire est le propriétaire de l’église et il fait supporter la rénovation de son bien par la commune.

Le maire est furieux. Ce jeune impétueux ose le défier. Il écrit au préfet pour donner sa version des faits mais sans succès. Le préfet donne raison à l’adjoint Quinion !

Sur ordre du préfet, le CM se déroulera le 22 Germinal ! Soit le 12 avril 1803. Le maire est dépité et le jour du conseil, il se déclare malade ! Sans grande surprise, le conseil municipal revient sur la délibération du maire et décrète que le lieu de culte doit être à Anzin. Même s’il n’y a pas d’église, il y a des locaux décents pour accueillir les fidèles et loger le vicaire. Mais le maire Douchet n’a pas dit son dernier mot. En fin stratège, le même jour, avec ses quatre compères : Boubert, Wavelet, Fieret et Risbourg, il dresse un procès-verbal : En résumé il reconnait très partiellement la délibération prise par ses collègues mais comme celle-ci n’a pas été présidée par le maire et en l’absence des élus de la section de Saint Aubin, il l’amende :

- D'accord pour que le lieu de culte soit à Anzin

- D'accord pour que le prêtre loge à Anzin

Mais en attendant qu’on y construise une église comme il y a une cloche sur le clocher de St Aubin et un vrai presbytère, on y célébrera le culte. On pense alors que ça va se calmer et qu’une sorte de consensus va s’installer.

Néanmoins la résistance au maire s’organise, le citoyen Guislain Camus met à disposition un local faisant office de lieu de culte. Un logement est même offert au prêtre. Un certain Abbé Miellet, revenu d’exil ! Mais c’est mal connaître le maire ! Il a la rancune tenace ! En qualité de propriétaire légitime des biens de l’église, il refuse de rendre les livres nécessaires à l’exercice du culte ! Et sans livre, difficile pour le curé de célébrer une messe…

Pierre-Joseph Quinion est excédé et écrit à l’évêque. Il lui raconte l’histoire des livres et lui dit qu’ils ont une église provisoire et que l’évêché doit trancher !

L’évêque demande des explications au maire qui répond très subtilement. "Monseigneur je voudrais bien rendre les livres mais je ne peux pas..."

Dans sa lettre il dit même qu’il les donnerait avec zèle  mais malheureusement il ne peut pas car pour lui, le prêtre nommé par l’évêque en date du 13 janvier 1803 est l’abbé Jean- Baptiste Vitasse. Il ne reconnait aucun autre prêtre et surtout pas le citoyen curé Miellet… acquis à la cause des dissidents.

Quinion est furieux et obtient le 18 juillet 1803 par procès-verbal que le citoyen curé Miellet soit officiellement reconnu comme prêtre de la commune. Le maire est têtu et ne cède pas ! Et comme dans toute bonne histoire, il y a un rebondissement épique ! Cinq jours plus tard, soit le 4 thermidor (le 23 juillet 1803) monsieur le maire décède. L’heure est au recueillement, à l’apaisement. On doit tourner la page de cette querelle et désigner un nouveau maire.

Mais même mort, le maire Douchet bloque encore la situation ! En effet avant de mourir il a confié les livres, les objets du culte et le voile mortuaire à l’un de ses plus fidèles lieutenants : Antoine Fieret, connu pour être « encore plus récalcitrant que le maire » Impossible d’avoir quoi que ce soit !

Surtout qu’en plus c’est Boubert qui succède au maire, un membre de la section de St Aubin. Néanmoins la mort du Maire a déclenché une prise de conscience et tout le monde veut jouer la carte de l’apaisement.

Quinion joue alors les médiateurs et tente de rassembler les deux camps. Le 12 fructidor (soit le 30 août 1803), Quinion adresse au préfet un acte notarié qui récapitule toutes les décisions prises, en présence des enfants Douchet, de sa veuve et des membres des deux sections.

Anzin sera le lieu de culte de la commune, les biens et les livres restitués pour l’exercice du culte.

Le 30 nivôse de l’An 12, soit le 20 janvier 1804 l’évêque d’Arras reconnait officiellement l’acte notarié.

Le 30 germinal, soit le 30 avril 1804, le préfet adresse un courrier au maire de Saint-Aubin Anzin pour confirmer officiellement les dispositions prises. On pense alors cette histoire terminée…

Pierre-Joseph Quinion estime avoir atteint son objectif et se consacre à d’autres choses, moins contrariantes. Mais c’était sans compter sur le caractère du nouveau maire. Boubert déclare « qu’il veut bien que le culte se passe à Anzin mais il n’y pas d’église à Anzin et puis une église ça a un clocher. Pas de clocher, pas d’église ! » Retour à la case départ !

Boubert a un caractère bien trempé et se moque des avis du préfet et de l’évêque. C’est un pur et dur et il ne lâche rien ! Quinion las de ces combats interminables jette l’éponge mais c’est l’un de ses proches qui reprendre le flambeau. Il se nomme Amand Broutin.

Amand Broutin est intelligent et courageux. Le maire dit qu’il n’y a pas d’église à Anzin. Qu’à cela ne tienne ! On va en construire une ! Aidé par un géomètre, il repère un lieu au chemin des filatiers, dessine les plans et se propose d’organiser une souscription. Il arrive à convaincre l’évêché et ce dernier le suit dans son projet. Le préfet donne également sa validation. Broutin exulte, il a réussi à mener son projet d’une main de maître. Pendant tout ce temps, le maire est resté étrangement silencieux. L’apothéose est prévue le 7 juillet 1805 ! On organise ce jour-là une fête religieuse.

L’Abbé Duchatelet, Chanoine d’Arras vient poser la pierre angulaire et bénit les fondations. Des dizaines de fidèles sont présents, on dresse des tables fleuries et l’abbé invoque Saint Charles comme patron de cette nouvelle église. Le lendemain de la fête, Boubert convoque Broutin et sur un ton glacial lui ordonne de combler la carrière. Le maire Boubert rappelle que c’est lui le patron de la commune. On a une église et elle est à Saint Aubin… Anéanti, Broutin s’exécute non sans demander l’arbitrage du préfet et de l’évêché… Mais Boubert ne reviendra pas sur sa décision. Noel Douchet, par la voix de son successeur, a gagné.

Pendant 40 ans c’est le statu quo… Le sujet tabou par excellence à Anzin- Saint-Aubin ! Mais il y a un hic : l’église de Saint Aubin est plus ou moins rafistolée avec les moyens de l’époque, souvent par les fidèles eux-mêmes. Amand Broutin deviendra maire. On a retrouvé une lettre de lui datée du 14 mars 1827 qu’il adresse au sous-préfet d’Arras et dans laquelle il le supplie littéralement de prélever un secours sur les amendes de police pour que le service du culte puisse se faire normalement. Il évoque l’église de St Aubin comme étant la plus pauvre et la plus triste du département.

10 ans plus tard, on retrouve Pierre-Joseph Quinion. Il est devenu maire et saisit à son tour le 17 novembre 1837 le préfet, évoquant le délabrement total du lieu de culte… Mais la solution ne viendra pas de lui, elle viendra d’un dénommé Charles Watelet, Directeur du Mont de Piété d’Arras et membre du conseil municipal.

Avec son épouse ils font le don d’un terrain pour qu’une église et des sépultures puissent être construites. Une souscription est lancée, elle permettra de récolter la somme pharaonique de 2452 Francs. C’est suffisant pour lancer un appel d’offre. C’est l’entreprise Tricart à Arras qui remporte l’appel d’offre en concédant un rabais de 2%. Le coût de la construction s’élève à 4836,36 Francs. La Préfecture et l’évêché valident le projet, la construction de la nouvelle église est lancée en 1847, elle s’achèvera un an plus tard…

Le 8 janvier 1848, l’abbé Mofait bénit l’église mais il n’est plus question d’organiser une fête somptueuse. L’heure est à l’humilité, histoire de ne pas réveiller les vieux démons du passé… Et là ! Nouveau coup de théâtre ! Le Roi Louis-Philippe, par décret royal du 4 août 1846 a désigné l’église d’Anzin comme « chapelle de secours » et l’église de Saint Aubin conserve son titre de succursale officielle de l’église de Maroeuil ! Les habitants de la section d’Anzin sont tétanisés !

Notre belle église… Une chapelle de secours ! A cette époque, le curé du village, l’abbé Bucquet est pour la paix des clochers alors il célèbre des messes, des cérémonies dans les deux églises. Pas de polémique !

Le Conseil Municipal ne lâche pas l’affaire et saisit l’évêque : « l’église de St Aubin est complètement délabrée et demeure l’église principale de notre commune alors que notre nouvelle église a le statut de chapelle de secours, ce n’est pas normal » L’évêque se déclare incompétent, ce n’est pas de son ressort mais celui de la commune car l’église principale est toujours située dans le chef-lieu d’une commune.

Or jusqu’à preuve du contraire, le chef lieu de la commune est toujours Saint Aubin et pas Anzin. Le conseil municipal délibère, saisit le préfet et ce dernier, après avis de l’évêché, donne son autorisation mais avec une condition : qu’on construise également un presbytère ! Nous sommes en 1853… Finalement le clocher, le presbytère et l’agrandissement de l’église devenue entre temps trop petite verront le jour entre 1880 et 1885 sous l’impulsion de l’Abbé Laroche et du conseil municipal après la levée d’une nouvelle souscription et des autorisations ad hoc…

Alors quid du statut de l’église de St Aubin ? De moins en moins fréquentée, elle est de plus en plus abimée, entretenue par une poignée de fidèles avec de faibles moyens, son sort est scellé le 19 février 1893 par une délibération du conseil municipal qui refuse de prendre en charge sa réfection et qui déclare qu’elle représente un danger pour le public !

Le 19 octobre 1893 Monseigneur Alfred Williez, évêque d’Arras transmet au préfet une ordonnance évoquant l’état de délabrement et d’insalubrité de l’église de Saint Aubin.

Dans cette ordonnance deux articles sont sans équivoque :

- Le premier interdit tout culte dans l’église de Saint Aubin jusqu’à nouvel ordre

- Le second article fixe le lieu de culte pour la commune à l’église d’Anzin. Néanmoins il y a toujours dans cette église la pierre de sacrement.

Elle n’a donc pas été désacralisée et les anciens du village rapportent que des cérémonies y ont été célébrées jusque dans les années 90, principalement à la demande d’habitants du hameau de Saint Aubin et sans doute à la discrétion de l’abbé de la commune. La municipalité qui nous a précédé a réparé la toiture, rénové la voirie d’accès et a refait le mur du cimetière. Pour l’anecdote la réfection de ce mur a suscité une petite polémique… car avec les nouvelles règles d’urbanisme, il était impossible de refaire un mur de deux mètres cinquante de haut. Avec le nouveau mur, beaucoup plus petit, on voyait les tombes et cette vision au grand jour de la mort en a choqué quelques uns…

Quand j’ai été élu maire en 2008, j’ai rapidement été interpellé par des amoureux de cette église qui craignaient de voir son clocher s’effondrer. Le conseil municipal a décidé de procéder à la réfection du clocher et de restaurer les pierres extérieures.

Le chantier, suivi par Jean-Louis Duriez, s’est échelonné sur plusieurs années et à partir de 2011 nous avons pu y organiser quelques manifestations ponctuelles comme un concert de violons mais l’état intérieur était beaucoup trop délabré pour envisager d’autres manifestations. Aujourd’hui, après les travaux pilotés par mon adjoint Jean-Marc Candelier, c’est avec beaucoup de plaisir que nous vous accueillons dans cette église, figure patrimoniale de notre commune, qui se prêtera à de nouvelles expositions culturelles et cultuelles !

 

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